Un amour impossible, Christine Angot
J’espère que le succès de ce roman pourra servir de leçon à ceux qui reprochent à Christine Angot, le plus souvent sans avoir lu ses œuvres, son prétendu exhibitionnisme, son soi-disant narcissisme, sa supposée prétention. Voilà une œuvre limpide, fluide, qui se situe clairement dans la tradition autobiographique la plus classique. Le titre « Un amour impossible » semble a priori correspondre au plus éculé des programmes romanesques, alors qu’on ne peut imaginer une histoire plus éloignée de l’eau de rose. De quel amour s’agit-il ? Tout l’intérêt du titre est placé dans l’article indéfini : on pense bien sûr en premier lieu à l’amour entre les parents, rendu impossible par le conformisme social du père, mais il s’agit aussi de l’amour impossible entre cette mère et sa fille au moment de la révolte adolescente. Ce titre est aussi une définition possible de l’inceste, entre le père et la fille, qui est présent dans le livre, mais comme en filigrane seulement.
Ce récit est spécialement élégant, car le centre de cette autobiographie est déplacé : ce n’est pas Christine, avant tout, qui est le sujet du livre, mais bien le personnage de sa mère, Rachel. Sans que ce livre l’affiche explicitement, le récit dresse avant tout un portrait de femme extraordinaire, une mère digne, simple et pourtant assez forte pour s’affranchir des conventions sociales et assumer jusqu’au bout la vérité de ses sentiments- alors que celui qui est l’objet de son amour (et qui l’aime également) est bien loin de se conduire de façon aussi respectable. Ce qui est beau dans cet hommage, c’est aussi sa retenue, sous la forme d’un récit épuré, qui semble ne conserver que l’essentiel, concentrant dans ses lignes toute la densité de cette vie de mère.